Crazy Circus


Suite de l'interview de Dominique Ehrhard.
Justement, comment faites-vous pour savoir si un jeu est bien perçu ou pas, au-delà des ventes (qui dépendent aussi beaucoup de l'étendue de la diffusion du jeu) ?

Dominique Ehrhard - Actuellement les critiques et les forums du Web permettent un assez bon retour de la perception d'un jeu, même si les internautes ne sont pas toujours très représentatifs du public plus familial. Sinon les prix sont un bon indicateur, Méditerranée et Condottiere ont ainsi été primés dans la plupart des pays d'Europe. Dernier indice, c'est la régularité et la longévité des ventes, qui montrent que le bouche à oreille fonctionne.
Quel est le jeu de votre invention qui s'est le plus vendu ? Vous y attendiez-vous ?

Dominique Ehrhard - Enfin une question facile avec une réponse claire : Le Fantôme des Mac Grégor. Je ne m'y attendais absolument pas, l'éditeur non plus d'ailleurs. Mais je crois que c'est assez souvent le cas, tout le monde avance un peu en aveugle, sans trop savoir ce qui va marcher ou pas. Ce qui entraîne d'ailleurs une prudence tout à fait désespérante de la part des éditeurs.
Un jeu qui se vend beaucoup, ça représente combien d'exemplaires ?

Dominique Ehrhard - Ça dépend de l'éditeur, Hasbro a sorti Règlement de compte de son catalogue alors qu'il avait atteint 100 000 exemplaires, pour eux c'était manifestement un échec ! De façon générale, 50 000 exemplaires est pour un auteur français un très bon score. Le fantôme des Mac Gregor atteint lui les 300 000 exemplaires (sur plusieurs pays). On reste bien entendu à des années lumières des Colons ou d'Abalone pour citer un des rares jeux français à connaître un succès planétaire se comptant en millions d'exemplaires.
Question opposée pour rassurer les autres auteurs de jeux : quel est votre jeu qui s'est le moins vendu, et à combien d'exemplaires ?

Dominique Ehrhard - Il n'y a malheureusement que l'embarras du choix. C'est d'ailleurs la règle générale dans l'édition, beaucoup d'appelés et peu d'élus. Si on compare le nombre d'idées au départ, puis le nombre de jeux réellement finalisés, puis le nombre de jeux édités et enfin ceux qui ont du succès, il vaut mieux changer d'activité immédiatement. Heureusement que ce qui motive est avant tout l'enthousiasme de la création et non pas la recherche du succès.

Pour répondre plus précisément à votre question, les ventes des jeux édités chez Piatnik comme die Weinhändler ou ceux édités chez EGD doivent se compter en quelques centaines d'exemplaires !

A propos de Règlements de compte, il avait été annoncé par Asmodée l'an dernier, puis on a parlé d'une double édition Asmodée/ Hasbro. Est-ce que Hasbro pose problème pour récupérer les droits du jeu ?

Dominique Ehrhard - Il n'a jamais été question d'une co-édition et il n'y a aucun problème de droits, simplement Asmodée préfère attendre un peu pour pouvoir sortir le jeu dans des conditions optimales, avec des règles sensiblement améliorées et un support thématique légèrement différent. Asmodée est un éditeur de qualité, au nombre de ces qualités figure également une certaine prudence, indispensable à la croissance et au développement harmonieux de la société. Même si cela entraîne des délais parfois un peu plus longs que prévus.
Parmi les jeux de société conçus par d'autres, quels sont ceux auxquels vous prenez le plus de plaisir à jouer, et ceux dont vous jalousez secrètement l'auteur (ce ne sont d'ailleurs pas forcément les mêmes) ?

Dominique Ehrhard - Le jeu auquel je joue le plus souvent, pour des raisons de rapidité et de disponibilité familiale est certainement " Gang of Four ". Pour des raisons de temps je ne joue que trop rarement à des gros jeux que j'aime beaucoup, notamment ceux de Teuber et Kramer qui sont les deux auteurs que j'estime le plus, tant pour la richesse que la diversité de leur oeuvre.
Aux marges du jeu de société, avez-vous déjà touché aux jeux de rôles, aux wargames, aux casse-tête, aux grandeur-nature ?

Dominique Ehrhard - J'ai tâté très épisodiquement aux Wargames et jeux de rôles lorsque j'étais étudiant. Je ne peux pas dire que j'étais très enthousiaste. Ensuite le manque de temps et de partenaire m'ont complètement fait passer à coté de cet univers.
Et à la magie (de prestidigitation s'entend !)

Dominique Ehrhard - En réalité je suis un redoutable magicien, je sais par exemple transformer un steak en morceau de charbon carbonisé, je peux aussi faire pleuvoir à volonté, il suffit pour cela que je décide de me rendre en vacances quelque part...
Vous manque-t-il des numéros de la revue (aujourd'hui disparue) Jeux & Stratégie, et quel est votre opinion sur la manière dont les jeux de société sont présentés aujourd'hui en France (revue Jeux en Boîte, sites Web dédiés aux jeux de société, manifestations... ) ?

Dominique Ehrhard - Pratiquement aucun, sauf quelques numéros de la fin. Je les consulte régulièrement, même si l'évolution actuelle du jeu de société donne l'impression de correspondre à un univers totalement différent. En ce qui concerne le Web, je pense qu'il fait partie de ces opportunités dont doivent se saisir les nouveaux éditeurs que j'évoquais plus haut, car les nombreux forums, les sites de présentations et de critiques ont un impact et une richesse sans commune mesure avec Jeux et Stratégie à l'époque.
Pouvez-vous lever le voile sur le ou les prochains jeux que vous avez créés et qui seront prochainement sur les rayons ?

Dominique Ehrhard - Sur les créations, sans problème, mais sur les prochains jeux édités, mystère tellement l'attitude des éditeurs est parfois étrange et imprévisible.
Vous faites également de la peinture et des illustrations ; où peut-on admirer vos tableaux prochainement ?

Dominique Ehrhard - Ma prochaine exposition commence le 25 février (2003) à la galerie du Fleuve, rue de Seine à Paris. On peut également voir mes tableaux en permanence à la Galerie Samagra, rue Jacob, toujours à Paris.
Et enfin, vous sentez-vous plus proche du lion, de l'ours blanc ou de l'éléphant ?

Dominique Ehrhard - La girafe devrait assez bien me convenir, mais elle ne rentrait pas dans la boite, reste l'éléphant.
Merci Monsieur Ehrhard d'avoir répondu à ces nombreuses (et parfois délicates) questions et à bientôt !

Propos recueillis en janvier 2003 par Pierre-Nicolas Lapointe


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